Violences faites aux femmes au travail : ✅ un guide pour aider les employeurs

19 / 100

🟣 Trop longtemps, les violences conjugales ont été considérées comme faisant partie de la sphère privée. Certaines entreprises, conscientes que ce fléau touche aussi le monde du travail, considèrent qu’elles ont pourtant un rôle à jouer dans la protection. Certaines, mais pas toutes évidemment. Ce serait trop beau… Avec l’aide de ONU Femmes France, l’ANDRH (communauté de professionnels des ressources humaines) a lancé le guide “Violences faites aux femmes : quels rôles pour les DRH et les managers”

Par Elsa Cadier

🔢 Quand les chiffres parlent

Les femmes et les enfants sont la variable d’ajustement de tous les drames du monde

En France, 213.000 femmes sont victimes de violences conjugales physiques et/ou sexuelles par leur conjoint ou ex-conjoint. Le chiffre ne marque pas un déclin, bien au contraire. Ces violences se sont même aggravées avec la pandémie du Covid et pendant les différents confinements. Elles touchent des femmes de tous les secteurs, de tous les métiers et de toutes les catégories sociales pas seulement en France, mais partout dans le monde. Selon Céline Mas, présidente de ONU Femmes France : ” les femmes et les enfants sont la variable d’ajustement de tous les drames du monde et les violences faites aux femmes sont la violation des droits humains la plus répandue dans le monde. Un tiers des femmes sont, seront ou ont été victimes de violences, qu’il s’agisse de sexisme, de viol, de violences conjugales, de féminicides, …“. Le Gouvernement consacre 3,6 millions d’euros au traitement des violences conjugales (184,4 millions pour les violences faites aux femmes). C’est très peu comparé à d’autres budgets.

Et au travail ?

Dans les violences au travail 87 % des victimes sont des femmes et 99 % des agresseurs sont des hommes. Les femmes victimes de violences conjugales sont deux fois plus exposées aux violences au travail.

Encore des chiffres…

Une femme sur deux au travail a été victime ou sera victime de violences sexistes ou sexuelles. Céline Mas ajoute : “les femmes qui sont victimes dans leur foyer sont beaucoup plus exposées que celles qui ne l’ont pas été. Elles ont déjà des vulnérabilités qui font qu’elles seront peut-être plus susceptibles d’être agressées au travail, qu’il s’agisse de harcèlement moral ou de violences physiques. ”

🛑 Toutes les catégories sociales sont concernées

Toutes les catégories sociales sont touchées. Les femmes qui évoluent dans un environnement aisé ont même plus de mal à parler de ces violences qui les touchent.

Guillaume Richard, président fondateur de Oui Care, société de service à domicile dont 94 % des employés sont des femmes, en a fait le constat. ” En 2018, nous avons créé un fond de solidarité pour aider les femmes dans notre entreprise victimes de violences conjugales. Dès la première année, nous avons 57 femmes ont fait appel au service, dont neuf cadres sur 150. Ça fait 6 % de nos cadres “, s’indigne-t-il. ” Et encore, ce sont uniquement celles qui ont osé se déclarer, mais le chiffre devait être probablement plus important.”

⛑️ Et si les violences conjugales devenaient aussi l’affaire de l’entreprise ?

Chaque organisation, chaque entreprise compte dans ses effectifs des victimes de violences conjugales, mais longtemps, peut-être par méconnaissance de la problématique, par manque de sensibilisation ou par crainte de la responsabilité légale, on a poussé la poussière sous le tapis, en considérant qu’il s’agissait d’une affaire strictement privée. Alors pourquoi cet intérêt soudain ? Il semble que la réorganisation récente du travail, notamment avec le développement du télétravail mêlant parfois vie privée et vie professionnelle, ait contribué à mettre le doigt sur ce fléau, impliquant les Directeurs.trices des Ressources Humaines (DRH), les managers, les salariés dans l’aide à ces victimes, souvent invisibles dans l’entreprise.
La communauté de professionnels des ressources humaines de l’ANDRH l’a bien compris et affirme que le sujet est une de leurs responsabilités.

📕 Un guide pour repérer les signaux et savoir comment agir

Les grandes entreprises, nationales ou multinationales ont des services sociaux qui fonctionnent plutôt bien.

Dans notre service social, 20 % des demandes concernent les violences conjugales“, explique Mathilde Tabary, responsable Europe des relations sociales de Korian. ” Et 80 % de ces femmes demandent des aides au relogement d’urgence .”

Ce n’est pas le cas pour tous, surtout pour les petites entreprises. Ce guide justement, s’adresse à tout le monde qu’on soit collègue, employé, managers ou dirigeant.

👁️‍🗨️ Repérer les signaux :

Collègues, managers, dirigeants, … On peut parfois se sentir démuni.e face à une femme qui soudain change de comportement sans comprendre pourquoi. Elle se trouve peut-être dans une situation de vulnérabilité. Le guide propose des conseils pour repérer les signaux forts et faibles, ceux qui se voient (absences à répétition, maquillage important, manches longues en été, mutisme, …) ou ceux qui ne se voient pas (ne pas prendre de congés, refuser les promotions parce qu’on ne sent pas à la hauteur mentalement, refus de la reconnaissance, …).

🧭 Orienter et agir quand on est témoin :

Faire intervenir les tiers pour libérer la parole

Il n’est pourtant pas évident, lorsqu’on s’aperçoit qu’une collègue est victime, de l’orienter vers les bonnes personnes ou le bon service. Certaines entreprises on mis en place des formations (non obligatoires).

On s’est dit que, face à l’absence de libération de parole, il fallait travailler sur la formation en plus de la sensibilisation et de la communication“, reprend Mathilde Tabary. ” Nous proposons un e-learning pour former les collègues et les managers à l’identification des signaux et à comment agir. Nous travaillons aussi beaucoup avec les associations en local comme la Maison des femmes par exemple pour essayer de trouver des solutions rapides.

Céline Mas ajoute : “Quand la victime s’adresse à son employeur, c’est important que l’employeur puisse lui dérouler tout le chemin. Parce que quand on fait ce pas, c’est tellement dur. La victime va se demander ce qui se passe après et ça génère une très grande angoisse. Donc, si elle sait qu’elle va être accompagnée, c’est rassurant pour elle. “

Certes, il est primordial de prendre en charge les victimes de violences conjugales encore bien trop nombreuses. Il faudrait aussi penser à éduquer les garçons. Quand on sait que 25 % des hommes de 25 à 34 ans estiment qu’il faut parfois être violent avec sa conjointe pour se faire respecter (5e rapport sur le sexisme en France du Haut Conseil à l’Egalité), ça donne à réfléchir.

Laisser un commentaire