🏄♀️ Par Elsa Cadier
Manque de confiance en soi, doutes sur ses capacités, complexes, dévalorisation, sentiment de ne pas être à sa place ou de ne pas être à la hauteur, … Le syndrome de l’imposteur est majoritairement ressenti par les femmes, aussi bien dans la vie privée que dans la vie professionnelle
Le syndrome de l’imposteur est un état psychique qui crée chez les personnes concernées un sentiment auto-entretenu d’incompétence et de doute en leurs compétences, qui persiste malgré les succès scolaires et professionnels. Il les pousse à attribuer leur réussite à des facteurs externes, comme la chance ou le hasard. Ces personnes pensent par exemple, ne pas mériter leur place et essayent de tromper leur entourage sur leurs vraies compétences. Elles s’attendent d’ailleurs en permanence à être démasquées sur leur imposture. D’où l’élaboration de stratégies de défense, comme par exemple le fait de vouloir éviter les situations anxiogènes, de procrastiner systématiquement ou au contraire d’être dans l’excès de zèle. Tout ça crée un stress permanent et délétère sur le long terme, pouvant aller jusqu’au burn-out ou jusqu’à la dépression.
🤔Le syndrome de l’imposture ou comment ne pas se sentir à sa place
Le terme “syndrome de l’imposteur“, aussi appelé “syndrome de l’autodidacte” ou “complexe d’imposture” a été inventé en 1978 par Pauline Rose Clance et Suzanne A. Imes, deux psychologues américaines. Elles ont étudié 150 femmes officiellement reconnues pour leur excellence professionnelle par leurs collègues et pour leurs réussites scolaires. Il en est ressorti que, malgré leurs performances, ces femmes n’ont pas obtenu la reconnaissance interne attribuée habituellement aux hommes. La plupart des participantes a admis que leur succès était dû au fruit de la chance et que d’autres surestimaient simplement leur intelligence et leurs capacités. Selon les psychologues, le syndrome exprimerait un sentiment de doute permanent qui consiste à ne pas se sentir légitime dans son statut et à avoir des difficultés à s’approprier ses propres succès.
Pour aider à déterminer si on souffre du syndrome de l’imposteur, la Pauline Clance a mis au point un test baptisé l’Échelle de Clance. Il permet d’évaluer l’estime de soi à travers 20 situations différentes.
🙆🏻♀️Les femmes plus touchées par le syndrome de l’imposture
Selon une étude publiée dans la revue scientifique Journal of Behavioral Science et relayée par Forbes, ce sentiment d’incompétence et de doute en sa personne, malgré les diplômes et les succès professionnels, toucherait 70 % des personnes dans le monde au cours de leur vie. Ce syndrome affecte à la fois la vie professionnelle et la vie privée, mais il touche majoritairement les femmes, comme si elles subissaient une “présomption d’incompétence”. Selon une étude britannique récente réalisée par l’agence OnePoll et commanditée par le confiseur Galaxy auprès de 4000 adultes anglais, le syndrome de l’imposteur concernerait plus d’une femme sur deux, soit plus de la moitié des femmes.
Comparativement, 54% des hommes interrogés disent ne jamais avoir vécu ce syndrome et 63 % admettent ne jamais l’avoir ressenti sur leur lieu de travail, alors que 53% des femmes avouent l’avoir expérimenté au cours de leur existence, notamment sur le lieu de travail . 72% d’entre-elles précisent que ce sentiment débute à l’âge de 23 ans.
😰Reconnaître les différentes formes du syndrome de l’imposteur
La.le perfectionniste qui cherche à atteindre la perfection dans tous les aspects de sa vie et qui considère la moindre erreur comme un échec, la.le génie naturel.le qui s’appuie sur sa capacité innée à maîtriser tout ce qui se présente à elle.lui, mais éprouve de la honte en cas d’obstacle, la.le solitaire qui cherche à réussir par ses propres moyens sans l’aide de personne, l’expert.e aux connaissances infaillibles qui, en cas d’incertitude, culpabilise, et la super-héroïne ou le super-héro qui repousse ses limites sans cesse, toujours insatisfait, … Toutes ces définitions font partie des différentes formes du syndrome.
On explique ses succès par une attribution externe. On a une faible estime de soi et on banalise ses accomplissements. On est ultra exigeant.e envers soi-même, alors qu’en parallèle, on doute systématiquement de nos compétences. On montre un surinvestissement par rapport à la tâche demandée, ce qui permet d’attribuer notre succès “éventuel” à une grande quantité de travail et non à nos compétences réelles. On a tendance à fuir ou à éviter les situations où on serait au centre des attentions, par peur d’être mis.e en échec et que notre imposture soit révélée (réunion, prise de parole, …). On se sabote nous-même par des “actes manqués” (retards, absences, oublis, …). On évite de se confronter à des félicitations ou à une reconnaissance et on passe, de cette façon, à côté d’un certain malaise. On rumine en essayant de comprendre comment on a pu être choisi.e pour ce poste ou pour cette mission. On peine à reconnaitre nos qualités et on se dénigre perpétuellement.
🤕Les causes encrées dans les préjugés sociétaux et la culture
Ce syndrome peut remonter à l’enfance, lorsque les parents exercent une pression par la discipline par exemple, pour obtenir d’excellents résultats scolaires, ou inversement, lorsqu’ils ne s’en occupent pas. De là peut naître cette nécessité d’en faire toujours plus pour satisfaire ses parents ou pour attirer leur attention. Ainsi, l’enfant devenu adulte se met une pression face à de nouvelles responsabilités, peut avoir des problèmes de santé mentale, manquer de confiance en soi, se sous-estimer et devenir perfectionnistes. Enfin, et cela concerne plus spécifiquement les femmes, les préjugés sociétales liés au genre et à l’origine peuvent aussi être responsables de ce syndrome.
Eléna Fourès, dans son livre “Leadership au féminin” (éditions Progressor, 2010) note que l’identité des femmes repose clairement sur un processus de « conditionnement dans le sens de la soumission d’une société judéo-chrétienne qui a longtemps modelé la femme sous les traits de la douceur, du désir de plaire, du sacrifice de soi, de l’obéissance et de la culpabilité ». La femme subirait dès son plus jeune âge une pression sociale et culturelle qui consisterait à être la “bonne élève” bien sage, qui ne fait pas de vague. De cette notion découle une attitude intériorisée de subordination que subissent inconsciemment les femmes.
Autre analyse : dans son livre audio “He said, she said, exploring the Different Ways Men and Women Communicate” sur la communication entre les femmes et les hommes, Déborah Tannen, professeure à l’université de Georgetown aux Etats-Unis, met en avant le fait qu’on apprend aux filles à mettre l’accent sur leurs points communs entre elles et à ne pas avoir l’air trop sûres d’elles, ce qui les rendrait impopulaires. Ce constat est également valable dans la vie professionnelle : les femmes sont davantage diplômées que les hommes. Pourtant, leur ascension professionnelle est plus difficile.
“Nous sommes confrontées à des injonctions contradictoires”, explique Cécile Jénot, coache et formatrice. “D’un côté si on est ambitieuse, on n’est pas considérée comme une femme “normale”, c’est-à-dire comme l’image qu’on se fait de la femme traditionnelle, et de l’autre côté, si on est une femme sans ambition professionnelle, on va nous dire de nous bouger “.
🤼 Comprendre et lutter contre ce syndrome
Nous sommes toutes passées par ce syndrome, mais en soi, ça n’est pas grave. Une fois qu’on en a pris conscience et qu’on l’a identifié, on peut commencer à s’en débarrasser et à agir. Il convient alors de défier ses doutes et d’essayer de les surmonter pour renforcer sa confiance en soi, en évitant les comparaisons. De plus en plus, les femmes prennent conscience de leurs capacités et ont envie de développer certaines aptitudes, de lever des barrières et des croyances pour s’épanouir professionnellement. Se débarrasser du syndrome de l’imposture en fait partie.
“Elles se tournent vers le women empowerment, la capacité des femmes à se prendre en charge elles-mêmes, notamment par des formations, des accompagnements ou du coaching“, ajoute Cécile Jénot qui propose, dans le cadre d’une formation sur le leaderships des femmes, une partie sur le syndrome de l’imposture. “Mais pour se débarrasser des préjugés, des clichés et autres sentiments d’imposture encrés dans notre société, il faut aussi accepter de se prendre en main“.
La technique des petits pas consiste à s’accepter soi, ses ressources, à prendre conscience de ses propres blocages et à surmonter ses peurs. Le travail se fait dans le temps, avec de la constance et de l’endurance, pour pouvoir se projeter et ouvrir le champ des possibles.

Cécile Jénot
“Dans ma formation, je donne les clés pour engager un processus de technique des petits pas. Elle consiste à s’accepter soi-même, à accepter ses ressources, à prendre conscience de ses propres blocages ou encore à surmonter ses peurs. Le travail se fait dans le temps (d’où les petits pas…), avec de la constance et de l’endurance, pour pouvoir se projeter et ouvrir le champ des possibles. Comment on améliore la perception de soi, comment on prend conscience de ses véritables compétences, comment on évite l’auto-sabotage, comment on va pouvoir limiter le sentiment de malaise avec des questions ou chacune se dit : “je ne suis pas à ma place, ils ne l’ont pas entendu, mais quand ils vont s’en rendre compte, ça va être compliqué pour moi”, … Avec cette peur d’être démasquée parce qu’on a cette sensation de tromper son entourage, … J’aborde toutes ces thématiques. On va donc travailler sur l’incapacité à s’attribuer ses propres réussites pour la transformer en capacité à surmonter ses peurs. On va également travailler sur la question de comment maîtriser ses pensées et comment contrer les pensées négatives. Le but est de faire bouger ses propres lignes, de devenir responsable de sa propre carrière, avant de faire bouger les lignes globales. On passe ainsi d’un statut de victime à un statut de prise en main. Par exemple, j’aime bien m’appuyer sur la théorie du voyage de vie “.