Avec le Tour de France Femmes, le cyclisme féminin est en passe de sortir de l’ombre. 144 concurrentes, et non des moindres, se sont élancées dimanche 24 juillet de la Tour Eiffel à Paris, pour une petite boucle d’une semaine et huit étapes. Sont-ce là les prémices d’une entrée dans la lumière pour les coureuses cyclistes jusqu’ici très peu médiatisées ?
Par Elsa Cadier
Pile le jour de l’arrivée des coureurs du célèbre Tour de France, comme un passage de relais bien étudié pour bénéficier de la même (ou presque) couverture médiatique, le top départ du Tour de France Femmes a été donné au pied de la tour Eiffel à Paris, dimanche 24 juillet, et diffusé sur France Télévisions. Le tour se déroule sur une semaine, huit étapes et 1029 km, jusqu’au 31 juillet. Il se terminera au sommet de la Super Planche des Belles Filles (no comment sur le nom) dans les Vosges.
#Audiences #TDFF
Beau départ depuis la Tour Eiffel pour la première édition du #TourDeFrance Femmes (@France2tv)🚴🏼♀️ Plus de 3 millions de tsp (27,8% de PdA)
🔜 RDV tout à l’heure à 14h10 sur France 3 pour suivre la 2e étape : Meaux / Provins pic.twitter.com/TxOEGrGrOe
— France•tv sport presse (@ftvsport_pro) July 25, 2022
Les femmes ont enfin leur propre Tour de France
Même si dans les années 1980, on s’en souvient (pour certains), les femmes courraient dans une sorte de prologue au Tour de France masculin, le Tour de France Femmes est appelé (espérons-le) à devenir pérenne. Chez les coureuses, beaucoup d’entre elles attendaient ça depuis longtemps. D’autant qu’avec la professionnalisation du métier ces cinq dernières années, du moins pour les meilleures d’entre elles, le Tour prend désormais tout son sens, au pays du mythique Tour de France.
They told me I could ride the Tour the France one day if I practice really well😎#TDFF pic.twitter.com/5eqe9RuxcR
— Ellen van Dijk (@ellenvdijk) July 25, 2022
Toutes ont conscience qu’une page de l’histoire du cyclisme est en train de s’écrire. À l’image de la Polonaise Marta Lach (team Ceratizit-WNT Pro Cycling) ou encore de la sprinteuse néerlandaise Lorena Wiebes (team DSM), vainqueure de la première étape sur les Champs Elysées à Paris. “Gagner ici, c’est très spécial“, explique Lorena. “Quand j’étais encore junior, la compétition ici ,c’était “La Course”, mais lorsque j’ai rejoint le circuit pro en 2018, La Course n’existait plus. Donc, elle est finalement de retour et je suis heureuse d’avoir gagné la première étape”.
🎙 🇳🇱@lorenawiebes is the 1st Yellow Jersey wearer on the #TDFF. 💛
🎙 Les premières déclaration de 🇳🇱@lorenawiebes avec le 1er @maillotjauneLCL de ce #TDFF. 💛#TDFF #WatchTheFemmes pic.twitter.com/bYnflKbqlD
— Le Tour de France Femmes avec Zwift (@LeTourFemmes) July 24, 2022
🎙 Hear from @martusialach – @ceratizit_wnt this morning! More to come for the next full week Marta 😁
🎙 Ce matin @martusialach – @ceratizit_wnt avait hâte de débuter le #TDFF… Il reste encore une semaine complète Marta 😁#WatchTheFemmes pic.twitter.com/pRa48ANBso
— Le Tour de France Femmes avec Zwift (@LeTourFemmes) July 24, 2022
Les favorites du Tour de France Femmes
Les grandes favorites de ce premier Tour de France Femmes sont les Néerlandaises Lorena Wiebes, Marianne Vos (Jumbo-Visma) ou encore Ellen van Dijk (Trek-Segafredo), championne du monde de contre la montre. Annemiek van Vleuten (Movistar) sera quant à elle la principale favorite pour le général. Chez les Italiennes, la championne du monde en titre, Elisa Balsamo (Trek-Segafredo), Marta Cavalli, première cycliste à avoir remporté le Mont Ventoux Dénivelé Challenge en juin dernier, et Elisa Longo Borghini (Trek-Segafredo), vainqueure du premier Paris-Roubaix, seront aussi à surveiller. Du côté des Françaises, il faudra suivre Juliette Labous (DSM), Audrey Cordon-Ragot (Trek-Segafredo), championne de France 2022 ou encore Aude Biannic (Movistar), la championne de France 2018.
- Pour les résultats, c’est par ici : www.letourfemmes.fr
L’histoire du cyclisme féminin en France
En 1896, la Bretonne Marie-Amélie Le Gall, connue aussi sous les noms de Lisette de Quintin, Mademoiselle Lisette ou Lisette Marton est considérée comme la championne du monde féminine de la discipline. Lisette s’est inspirée de Miss Pédalett, Marthe Lemaire de son vrai nom, qui s’était lancée dans un championnat de course sur piste masculin en 1895. Plus tard dans la même lignée, Marie Marvingt, qui s’était vu refuser l’inscription au Tour de France, s’est elle lancée seule derrière le peloton masculin.
Si le Tour de France masculin a bouclé sa 109e édition, ce record de longévité n’est pas égalé par le tour des femmes, loin de là. Le premier Tour de France féminin a été organisé en 1955, sous l’impulsion de Jean Leulliot, journaliste et organisateur de courses cyclistes. L’épreuve a alors été remportée par la Britannique Millie devant la quarantaine de coureuses, après cinq étapes. Pendant longtemps, cette course a été la seule édition, le cyclisme féminin étant à l’époque encore trop confidentiel et surtout mal vu par l’opinion publique (surtout par les hommes). Lors des Jeux Olympiques d’été de Los Angeles en 1984, les cyclistes féminines concourent pour la première fois. En 1984, le Tour féminin, qui verra les débuts de Jeannie Longo (59 titres nationaux, 13 titres de championne du monde et un titre olympique plus tard) en 1985, reprend. En 1990, A.S.O (Amaury Sport Organisation ), la société organisatrice du Tour de France hommes créée le Tour de la C.E.E féminin. A.S.O refuse de donner un nom qui ressemblerait au Tour de France. Lorsque A.S.O jette définitivement l’éponge en 1992, le journaliste Pierre Boué reprend le flambeau et lance le Tour Cycliste Féminin. L’édition sera validée par l’Union Cycliste Internationale, l’UCI. Organisée en août, la compétition connaît un petit succès avec la participation des meilleures coureuses internationales dont Jeannie Longo, la Néerlandaise Leontien van Moorsel ou encore l’Italienne Fabiana Luperini, mais le sexisme et le misogynisme a encore la dent dure.
En 1998, le Tour Cycliste Féminin devient La Grande Boucle féminine internationale, après un autre conflit avec A.S.O qui a déposé la marque “Tour de France” et le mot “Tour”. Et comme le nom “maillot jaune” est également protégé, La Grande Boucle féminine aura son maillot « d’or ». Nom qui, soit-dit en passant, est un peu plus classe… La compétition suit son cours au fil des ans, mais elle est de plus en plus menacée, faute de moyens et de couverture médiatique. En 2009, la Grande Boucle disparait du calendrier officiel de l’UCI… A.S.O organise par la suite, La Course by Le Tour, une étape du Tour de France masculin disputée chaque année par les femmes. Mais elle ne ressemble pas à un tour de France.
Le cyclisme féminin très peu médiatisé
Même si le métier chez les femmes se professionnalise depuis quelques années, la discrimination demeure, non seulement dans les salaires, mais aussi dans les dotations et les médias. Mais cette année, les moyens et les ambitions sont supérieurs : 250 000 euros de primes seront notamment versés aux coureuses pendant le Tour, dont 50 000 euros pour celle qui décrochera le maillot jaune. Ces dotations demeurent toutefois en deçà des sommes de la course masculine. Le vainqueur du Tour de France gagne, lui, 500 000 euros…
Les choses évoluent cependant lentement et cette fois, les organisateurs ont bien l’intention de poursuivre l’événement. Ils veulent en faire “l’un des rendez-vous sportifs incontournables“, comme l’a indiqué Marion Rousse, directrice du Tour de France Femmes, lors de la présentation du parcours au Palais des Congrès en octobre 2021. Le Tour de France Femmes est même diffusé en direct quotidiennement sur France Télévisions. La route vers la médiatisation est longue, mais la voie commence à se dessiner.