Parmi les prénoms féminins qui apparaissent fréquemment dans les médias et sur les réseaux sociaux pour définir des femmes ou des groupes de femmes féministes, le prénom “Simone” figure dans le top cinq des plus utilisés. Outre la référence à Simone Veil, qui a servit la cause des femmes notamment avec la loi du 17 janvier 1975 relative à l’interruption volontaire de grossesse, encadrant la dépénalisation de l’avortement en France, il en est une autre (de Simone) qui a marqué le féminisme en France : Simone de Beauvoir.
Qui est Simone de Beauvoir ?
Simone Ernestine Marie Bertrand de Beauvoir naît le 9 janvier 1908 à Paris, au sein d’une famille catholique relativement aisée. Elle reçoit une éducation maternelle sévère et traditionnelle. Dès 1926, elle s’inscrit à des cours de philosophie dispensés à la Sorbonne. En 1929, Simone de Beauvoir rencontre l’existentialiste Jean-Paul Sartre, et est reçue deuxième au concours d’agrégation de philosophie, juste derrière lui. En 1943, elle abandonne l’enseignement de la philosophie pour suivre une carrière littéraire. Avec Jean-Paul Sartre, ils forment un couple anticonformiste et rejettent la vie maritale. Les liaisons extérieures font partie intégrante de leur relation, qui va parfois jusqu’à inclure une tierce personne, comme avec Olga Kosakiewicz. Simone de Beauvoir entretient également des relations avec d’autres hommes, dont l’écrivain américain Nelson Algren ou le journaliste français Claude Lanzman.
La naissance du “Deuxième sexe”
Simone de Beauvoir s’implique très tôt dans la politique et dans le mouvement existentialiste avec Jean-Paul Sartre. Dès 1926, elle intègre un mouvement socialiste et écrit de nombreux articles dans la revue de gauche, créée en 1945 parJean-Paul Sartre, “Les Temps modernes”. Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, Simone de Beauvoir s’engage également envers la condition féminine et publie en 1949, Le Deuxième sexe, dans lequel elle prône la libération et l’émancipation de la femme dans la société. À travers une étude historique, scientifique, sociologique et littéraire, la philosophe tente de démontrer à quel point la femme est aliénée par l’homme. Pour elle, l’unique moyen de s’y soustraire serait alors d’acquérir une indépendance totale. L’ouvrage, qui scandalise la haute société devient le socle des premiers mouvements féministes.
Comment est-elle devenue une icône du féminisme ?
Lorsque le “Deuxième sexe” parait, Simone de Beauvoir ne se définit pourtant pas comme féministe. « Quand on lit le Deuxième sexe, il est très clair que Simone de Beauvoir ne se reconnaît pas dans le féminisme à ce moment-là. Elle considère que le féminisme n’a jamais, et ne constituera jamais un mouvement autonome », explique Françoise Picq, spécialiste de l’histoire du féminisme sur Public Sénat.
C’est à partir de mai 68, que Simone de Beauvoir devient réellement une militante féministe, alors que les femmes revendiquent leur libération et qu’elles s’approprient “Le Deuxième sexe“. À la fin du “Deuxième sexe“, Simone de Beauvoir explique qu’il faut « confier l’émancipation des femmes à la révolution socialiste ».
Le 5 avril 1971, le Nouvel Observateur publie le manifeste des 343 salopes. Ce manifeste, qui appelle à la légalisation de l’avortement, a été rédigé par Simone de Beauvoir et cosigné par plusieurs centaines de personnalités féminines parmi lesquelles Simone de Beauvoir, Françoise Sagan, Jeanne Moreau, Brigitte Fontaine, Nadine Trintignant. Ces femmes s’accusent volontairement d’avoir eu recours à l’avortement. Leur objectif est d’obtenir le droit à l’avortement (considéré à l’époque comme un délit), de rappeler que les femmes ont le droit de disposer de leur corps comme elles l’entendent et de se libérer de la domination patriarcale. Plus de 50 ans après, ce manifeste incarne encore le combat féministe.
Le féminisme de Simone de Beauvoir est-il encore actuel ?
Depuis la publication du “Deuxième sexe“, en 1949 et jusqu’à la fin de sa vie, Simone de Beauvoir a constamment évolué dans sa façon de concevoir le féminisme, en même temps que la société. Elle demeure cependant une icone du féminisme et nombreuses sont les féministes contemporaines qui s’en réclament les héritières. Peut-être aurait-elle été du côté de #MeToo… Peut-être aurait-elle constaté avec effroi l’encrage de l’emprise patriarcal dans la société de 2022, ainsi que le droit des femmes encore bafoués et piétiné, sur l’hôtel d’un orgueil masculin désuet…
Bibliographie :
- “Le Deuxième sexe”, Simone de Beauvoir, (éditions Folio), 1949.
- “Libération des femmes ; quarante ans de mouvement“, Françoise Picq (éditions dialogues.fr, Brest, 2011)
- “La domination masculine n’existe pas“, Peggy Sastre (éditions Armand Colin, 2015)
- “Simone de Beauvoir philosophe“, Michel Kail, (PUF, 2006)
Quelques dates
9 janvier 1908 : Naissance de Simone de Beauvoir
Simone de Beauvoir naît d’un père avocat et d’une mère catholique. Malgré son éducation bourgeoise et religieuse, elle se détachera très jeune de sa mère et du reste de sa famille pour suivre une existence totalement anticonformiste.
1929 : Simone de Beauvoir rencontre Jean-Paul Sartre
Ils partageront leurs réflexions, leurs conceptions du monde et leurs sentiments, mais se refuseront toujours à vivre sous le même toit. Sartre la considère comme son “amour nécessaire“, en opposition aux “amours contingents” qu’ils rencontreront tout au long de leur vie.
Octobre 1945 : La Fondation des “Temps modernes”
Avec l’aide de Simone de Beauvoir et de Maurice Merleau-Ponty, Jean-Paul Sartre publie le premier numéro de la revue “Les Temps modernes”. Littéraire, culturel, politique et philosophique, ce mensuel montre clairement ses engagements politiques et deviendra la revue privilégiée des intellectuels de gauche.
1947 : Rencontre avec Nelson Algren
Simone de Beauvoir rencontre l’écrivain américain Nelson Algren (Prix Pulitzer en 1949 pour son roman “L’Homme aux bras d’or”). Devenant son amant, Algren entretient une longue correspondance avec Simone de Beauvoir (plus de 300 lettres publiées en 1997). Simone de Beauvoir, enterrée auprès de Sartre, porte à son doigt l’anneau que Nelson Algren lui avait offert.
Mai 1949 : Publication du “Deuxième sexe“
Simone de Beauvoir publie un essai retentissant sur la condition féminine. Intitulé Le Deuxième sexe, son ouvrage prône l’émancipation de la femme, possible uniquement par l’acquisition de son indépendance. Elle dénonce ainsi une société qui aliène la gent féminine et de laquelle il faut se soustraire pour atteindre la liberté. D’après elle, “on ne naît pas femme, on le devient”.
6 décembre 1954 : Le prix Goncourt est attribué à Simone de Beauvoir
Le roman Les Mandarins remporte le prix Goncourt. Le roman, largement inspiré par la vie de l’auteure et de ses proches, met en scène un groupe d’intellectuels parisiens qui confronte leurs réflexions sur une société affectée par la Seconde guerre mondiale et la Guerre froide.
Octobre 1958 : Parution des “Mémoires d’une jeune fille rangée”
Simone de Beauvoir édite sa première autobiographie. Mémoires d’une jeune fille rangée est le premier volume d’une trilogie. Il sera suivi de La Force de l’âge (1960) et de La Force des choses (1963). Dans ce premier ouvrage, elle explique la manière dont elle s’est échappé du chemin que l’on avait déjà tracé pour elle. Elle raconte son émancipation et sa lutte pour acquérir une liberté totale, tant au niveau sentimental, social qu’intellectuel. Plus tard, la trilogie sera complétée par Une mort très douce (1964), Tout compte fait (1972) et La Cérémonie des adieux (1981).
1964 : Rencontre avec Sylvie Le Bon, devenue Sylvie Le Bon de Beauvoir
Simone de Beauvoir rencontre une grande passionnée de son œuvre, Sylvie Le Bon, alors étudiante en philosophie. Les deux femmes se lient d’amitié, et entretiennent une forte relation. Quelques années plus tard, Simone de Beauvoir fait de Sylvie sa fille d’adoption et héritière de son œuvre littéraire, ainsi que de ses biens. Sylvie Le Bon, devenue Sylvie Le Bon de Beauvoir, reste auprès de sa mère d’adoption jusqu’à son décès. Elle est l’auteur de l’album de la Pléiade 2018, dédié à Simone de Beauvoir.
14 avril 1986 : Décès de Simone de Beauvoir
Simone de Beauvoir décède à l’âge de 78 ans, laissant dans son sillage les éléments fondateurs du mouvement féministe. Elle est enterrée aux côtés de Jean-Paul Sartre au cimetière Montparnasse, à Paris.