Crops tops, minis jupes, shorts, décolletés, … Les femmes, les jeunes femmes et les filles essuient encore trop de réflexions quant à leurs tenues vestimentaires, que ce soit dans la rue, au travail, au lycée, au collège ou sur les réseaux sociaux. On est en quelle année déjà ? 2023 ?! Quel siècle ? 21ème ? Mouais, on dirait pas. On est plutôt sur une société archaïque et patriarcale qui n’éduque toujours pas les garçons à être respectueux à l’égard des filles. Démonstration ➡️
Par Elsa Cadier 🌸
🧥 Le vêtement révélateur de personnalité
Le vêtement, censé initialement nous protéger, est devenu aujourd’hui un “révélateur” et un informateur de notre personnalité. Il est utilisé pour communiquer des informations sur les caractéristiques sociales et personnelles des individus. Même si, il y a quelques temps, on a vu apparaître chez les 18-30 ans une tendance “sans genre” ou “no gender”, qui s’affranchissent ainsi des frontières entre le féminin et le masculin et sans doute en protestation contre le jugement stigmatisant de l’apparence, il n’en demeure pas moins que les femmes estiment encore ne pas s’habiller comme elles le souhaitent, en grande partie par peur du regard des hommes.
👁️🗨️ On s’habille comme on veut, … Vraiment ?
” Hey, mademoiselle, t’es bonne ! ” (Si, si, encore aujourd’hui), ” wouah, y a du monde au balcon “, ” T’as vu comment tu t’habilles sale p… ?! “, … Quelle femme n’a jamais été harcelée dans la rue ou dans les transports en commun parce que sa jupe remontait trop au-dessus des genoux, ou n’a jamais subi de réflexion de la part de certains de ses collègues parce que son décolleté était trop… décolleté ? Quelle adolescente ou jeune fille n’a pas reçu d’insultes de “haters” sur les réseaux sociaux parce qu’elle a posté une photo d’elle un peu “osée” ? Sans compter toutes celles qui se sont faites agressées après avoir répondu à des injures, …
Trop de jeunes femmes et femmes ont peur lorsqu’elles sortent de chez elles en tenue sexy. Pour beaucoup d’entre elles, cette peur de l’agression conditionne leur manière de s’habiller selon les circonstances. La victime se plie aux exigences de l’agresseur. Il serait temps d’inverser la tendance.
👿 Le mécanisme d’autocensure bien présent dans notre société
Et ça commence dès le collège, à l’adolescence, à l’heure où justement les pratiques corporelles et vestimentaires occupent une place centrale dans la construction de l’identité sociale. On y est toutes et tous passé.e.s. Pourquoi dès l’adolescence interdit-on aux filles de porter des tenues courtes, alors qu’il fait 38° ? Sous prétextes qu’elles risquent d’exciter les garçons ?! D’accord, ils ne sont pas tous finaux à cet âge-là, mais quand même ! Ne serait-ce pas eux qui devraient être éduqués, apprendre à réfréner leur instinct animal et comprendre ce qu’est le consentement ? On vit bien dans un monde soi-disant civilisé qui prône l’égalité femmes-hommes, non ?
En règle générale, les réflexions viennent des adolescents entre eux, mais lorsqu’elles émanent de l’adulte, de l’autorité, elles peuvent provoquer un traumatisme chez l’enfant.
Nathalie, maman excédée d’une jeune fille de douze ans en a fait l’expérience. Alors que le beau temps refait surface, sa fille se rend au collège en short. Sa tenue n’étant “pas règlementaire” selon la direction du collège, l’adolescente se voit dans l’obligation de porter sa blouse blanche, longue et tâchée de physique-chimie toute la sainte journée. Nathalie exulte de colère : ” Je vous laisse imaginer la réaction des camarades de ma fille et les émotions par lesquelles elle est passée durant cette journée ! Oui, on en est encore à cacher le corps des filles au lieu d’éduquer les garçons. Et après on se demande pourquoi les femmes ont autant de mal à se rendre visibles, à prendre la parole et à dire très haut leurs ambitions. Ce sont ces remarques, ces jugements, ces interdictions au quotidien qui vont se transformer en comportements d’autocensure et qui vont faire que les femmes s’effacent au profit des hommes et de notre société patriarcale.“

Une autre adolescente de 14 ans qui en classe de 3e, entre en cours en débardeur. Elle croise le Conseiller Principal d’Education qui lui fait la remarque suivante :
“Ton tee-shirt est trop court. On voit ton ventre et tes bretelles ne sont pas assez larges. On n’est pas dans un club de strip-tease ici”.
L’ado ne se démonte pas et lui répond :
“Mais Monsieur, pourquoi je devrais moi me couvrir les épaules et le ventre alors que les garçons jouent au football torse-nu et vous ne leur dites rien ? “.
🙀 Quand l’Etat s’en mêle, mais pas dans le bon sens, il sème la pagaille
En septembre 2020, le ministre de l’Education nationale de l’époque Jean-Michel Blanquer incite les lycéennes et les collégiennes à se vêtir de manière ” correcte et républicaine “, après que le crop top ait été interdit dans certains établissements. En 2021, le président de la République Emmanuel Macron réclame une ” tenue décente “ pour aller à l’école. Sur quels fondements se base-t-il ? Sur le fait que les crop tops et autres jupes déconcentrent les garçons ? WTF ? Parce que ces pauvres garçons ne sont pas capables de se contrôler dans notre monde soi-disant civilisé qui prône l’égalité femmes-hommes, … La preuve que le patriarcat domine encore notre société pas si moderne que ça finalement. #Balancetontop.
🧯Lutter ensemble contre le sexisme
Heureusement, les filles réagissent, aidée même par certains garçons “éduqués”, et revendiquent le droit de porter des vêtements féminins sans subir de remarques sexistes. Le concept de “la journée de la jupe” est né pour la première fois dans un lycée technologique d’Etrelles en Ille-et-Vilaine. Pendant toute une journée, filles et garçons portent une jupe, sans distinction de genre. En 2009, le phénomène se popularise avec le film éponyme avec Isabelle Adjani. Les femmes politiques elles aussi se battent pour s’habiller comme elles le souhaitent et l’évolution des mentalités en la matière est extrêmement lente. Dès que les femmes sont entrées en politique, leurs tenues vestimentaires ont fait l’objet de débats, de polémiques et de critiques interminables. En 1936, alors que les femmes n’ont pas encore le droit de vote, Léon Blum nomme pour la première fois trois femmes au gouvernement. Cécile Brunschvicg, Suzanne Lacore et Irène Joliot-Curie se doivent de respecter les convenances que l’époque exige, qui est de porter un chapeau même dans certains lieux publics. Petite victoire : les trois sous-ministres seront exsangues de cette pratique. En 1972, Michèle Alliot-Marie, jeune conseillère politique, impose son pantalon à l’Assemblée nationale. Avant cela, il était interdit pour une femme. En 2012, Cécile Duflot, alors ministre du Logement, est huée à l’Assemblée nationale pour la robe à fleurs qu’elle porte. Aujourd’hui, les codes vestimentaires dans l’Hémicycle, bousculés par les députés La France Insoumise, ont légèrement évolué, mais ils restent encore fragiles.
💉La petite piquouze de rappel
L’égalité en matière vestimentaire est loin d’être atteinte et les femmes s’autocensurent encore. Il serait temps d’inverser la tendance. En 2020, l’association de lutte contre les violences sexistes et sexuelles HandsAway lance une campagne appelée « Ceci n’est pas un consentement ». Elle prône la liberté des femmes et rappelle que chaque femme a le droit de s’habiller comme elle le souhaite. Suite à un important cyberharcèlement, celle-ci s’est associée aux applications Umay et The Sorority. Alors est-ce que les filles et les femmes peuvent encore s’habiller aujourd’hui comme elles le souhaitent ? Il faut croire que non.
Rappel de l'article premier de la déclaration des droits de la femme et de la citoyenne d'Olympe de Gouges en 1791: "La Femme naît libre et demeure égale à l'homme en droits. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l'utilité commune"(Article 1er de la déclaration des droits de l'homme de 1789 : les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l'utilité commune).