Un rayon fille, du rose et des poupées, un rayon garçon, du bleu et des voitures… Les inégalités se retrouvent encore dans les rayons des magasins de jouets surtout à la période de Noël. On croyait la séparation des genres abolie, mais rien n’a vraiment évolué malgré les efforts des fabricants. Le père Noël est apparemment toujours sexiste. Et les publicités stéréotypées ? On en parle ?
L’ARCOM souligne le sexisme des publicités pour jeux et jouets
Dans un rapport qui sera publié en janvier, l’organisme régulateur des médias l’Arcom (Arcom, ex-CSA) note que la majorité des publicités pour jeux et jouets visionnées reposent sur des stéréotypes assignant à chaque genre des jouets et des activités qui leur sont conventionnellement destinés. Ce rapport vise à mesurer l’impact de la charte des engagements volontaires pour la lutte contre les stéréotypes sexuels, sexistes et sexués dans la publicité signée en 2018. Déjà en 2017, le régulateur avait relevé que les publicités de jouets étaient “porteuses de représentations stéréotypées” instaurant “des univers très genrés”. Depuis, il y a eu très peu d’évolution. Les filles sont représentées à hauteur de 18 % dans les publicités pour jeux et jouets dits “masculins”(petites voitures, pistolets ou figurines de dinosaures) et les garçons figurent à 8 % dans les publicités genrées “féminins” (poupées et autres figurines de poney). Dans les sports urbains, c’est encore plus flagrant. Aucune fille n’est représentée dans le skateboard par exemple. Les garçons sont également quasi absents des occupations associées aux filles (4% d’entre eux jouent à la poupée). Le chiffre est d’autant plus étonnant qu’une étude publiée en octobre 2022, l’Etude longitudinale française d’envergure nationale, affirme que 20 % des garçons de deux ans jouent régulièrement à la poupée.

Le sexisme retrouvé du côté des magasins de jouets
Force est de constater que du côté des magasins de jouets, il n’existe toujours pas de rayons non-genrés. Les filles d’un côté et les garçons de l’autre. Les métiers que les jeux représentent sont aussi sexistes. Vous avez vu une poupée plombière, menuisière ou pompière et un mannequin homme arborer un costume d’infirmier ? Oui, peut-être chez Barbie, mais cela reste timide. Et les couleurs ? On en parle des couleurs ? Exit la mixité et l’égalité dans le monde des jeux. Cela n’a pas toujours été le cas. Dans les années 1970-80, il était acquis que les jeux étaient mixtes. Les garçons pouvaient tout aussi bien jouer à la dinette et les filles aux camions de pompier. L’inégalité entre les filles et les garçons s’est accentuée par la suite dans les années 1990. La faute, en partie, aux méthodes de commercialisation des fabricants qui ont segmentés les produits, sans doute pour vendre plus.
Des efforts restent à faire
Mattel a bien lancé une collection en 2019 de poupées non-genrées, mais ce ne sont pas forcément celles-là qu’on met en avant dans les publicités. La séparation entre les sexes est encore bien présente. Pourtant, des efforts ont été faits. En 2019, les professionnels du jouet ont signé une charte pour stopper le marketing genré. Celle-ci a été renouvelée en 2021 avec plus de 20 acteurs du secteurs (dont la Fédération Française des Industries Jouet – Puériculture (FJP) et l’Union des Marques), qui se sont engagés à mettre en place des actions pour promouvoir la mixité et briser les stéréotypes de genre. Une des mesures figurant également dans la charte est la création d’un manuel des bonnes pratiques et des tutoriels pour former les vendeurs. Les fabricants, quant à eux, ont travaillé sur des packaging plus neutres, mettant en scène à la fois des garçons et des filles et se sont engagés notamment à produire plus de déguisements de super héroïnes, puisqu’elles sont plus présentes aujourd’hui.
Les conséquences des jouets sexués et stéréotypés sur les enfants
L’impact des jouets genrés sur le développement des individus est important et ce, dès le plus jeune âge, notamment en matière de sociabilisation. Dès l’école maternelle, les enfants apprennent à vivre ensemble, à intérioriser les normes, les valeurs et à construire leur identité psychologique et sociale du futur. En effet, à ce stade, l’enfant n’a aucune conscience des différences (fille, garçon, handicap,…). Les jouets ont donc un impact déterminant dans leur appartenance au genre et la construction des stéréotypes aura des conséquences sur les relations entre les deux sexes plus tard. Les marques, les distributeurs, les consommateurs, les parents, l’école et l’éducation nationale ont donc une responsabilité importante dans la lutte contre l’inégalité sexuelle. Car, par la suite, les enfants devenus adultes sont confrontés aux discriminations sexuées et aux inégalités professionnelles.
Les effets de la segmentation dans les jouets :
• Réduction des chances d’égalité et renforcement des inégalités dans la vie professionnelle : Les jouets genrés contribuent à créer des environnements de jeu distincts entre les filles et les garçons. Les filles sont davantage cantonnées vers l’intérieur et les activités domestiques. Les petits garçons sont amenés vers l’extérieur, l’action ou la performance.
• Différences dans l’acquisition des compétences. En équipe, les jouets typés masculins permettent de faire appel à l’esprit d’équipe, au courage, à la compétition ou à la créativité. Ceux féminins font plus appel à des notions de conformisme, de douceur, de gentillesse ou de bienveillance.
• Limitation des champs professionnels féminins. Même certains fabricants ont modifiés quelques codes, les jeux représentant des métiers pour les filles restent moins variés et moins prestigieux que ceux des garçons (activités maternelles, personnages féminins type marchande, caissière, hôtesse de l’air, infirmière, secrétaire, coiffeuse, esthéticienne,..). Les jouets des garçons proposent plus de métiers valorisants en raison de leur technicité ou du risque qu’ils impliquent (personnages masculins type aventurier, pompier, policier, docteur, technicien, scientifique). Alors qu’il est acquis que les filles réussissent mieux à l’école.
• Illusion d’une complémentarité des rôles sociaux et des compétences en créant une hiérarchie. Les métiers des hommes seraient-ils plus importants que ceux des femmes ?
L’Espagne bonne élève
L’Espagne a proscrit dans les publicités les stéréotypes de genre depuis le 1er décembre. Le ministère de la Consommation a en effet signé avec l’Association espagnole de fabricants de jouets (AEFJ) et l’association Autocontrol, un code d’autorégulation qui promet, entre autres, des publicités de jouets plus égalitaires, véridiques et constructives. La loi ibérique interdit donc la caractérisation des filles avec des connotations sexuelles, l’association exclusive de jouets qui reproduisent des rôles de soin, de travail domestique ou de beauté avec des filles, mais aussi de ceux d’action, technologiques ou d’activité physique avec des garçons. Le rose pour les filles et le bleu pour les garçons est désormais proscrit. Il est aussi demandé d’utiliser un langage inclusif.