La Croix-Rouge française est un organisme d’aide humanitaire créé en 1863, axé sur l’urgence et le secourisme, l’action sociale, la formation, la santé et l’action internationale. Les bénévoles sont le socle de l’association et, dès le début, les femmes ont joué un rôle important, non sans se battre.
Lorsqu’en 1859 Henri Dunant, citoyen suisse naturalisé français, assiste à la bataille de Solférino entre les Français et les Autrichiens, il constate que personne ne s’occupe des blessés des deux camps. Touché par ce manque d’humanité, Henri Dunant crée alors en 1863 le Comité International et Permanent de Secours aux blessés militaires (le futur Comité International de la Croix-Rouge) et la Croix-Rouge française en 1864. En signe distinctif et pour faciliter l’identification des secours, une croix rouge sur fond blanc (les couleurs inversées du drapeau suisse) est définie comme logo.
Les femmes premières bénévoles
Même si à sa création, la direction de la Croix-Rouge française n’est constituée que d’hommes, les femmes au sein de l’association se battent pour se faire une place, pour le droit à la formation et pour s’engager. Bénévoles de la première heure, actrices sur le terrain, infirmières, ambulancières, elles ont largement contribué à la construction de l’identité de la Croix-Rouge française.
Création du Comité des Dames
À sa création, les femmes sont exclues du comité administratif et décisionnaire de la Croix-Rouge, mais on prend vite conscience de leur valeur en termes de « réseau social ».
Le premier Comité des Dames est fondé durant la guerre de 1870. Il est dissout lorsque que la paix revient. Pour attirer les membres féminins, il est à nouveau activé par les épouses des maréchaux de France, à la demande du conseil d’administration de la Société de Secours aux Blessés militaires (SSBM), menacée de disparaître. Le Comité des Dames agit sous la tutelle du Conseil. Chaque comité local de la SSBM est constitué d’un président et d’un conseil exclusivement masculins, auquel s’adjoint un Comité des Dames conduit par une présidente. En majorité, les Comités sont composés de notables (médecins, juristes, militaires, maires, députés, grands propriétaires, industriels, …), de leurs épouses, de leurs sœurs et de leurs filles. Les hommes sont membres des commissions médicales, de matériel, de secours, de finances, de programmes d’enseignement, tandis que les femmes s’occupent de la propagande (ventes, fêtes, quêtes, …), de la lingerie et du recrutement. Toujours interdites des comités directoires, ces dernières s’engageront plus tard sur l’opérationnel sur le terrain, dans l’innovation et deviendront responsables des équipes d’infirmières.
La naissance des “infirmières de guerre”
Sous l’impulsion du Docteur Duchaussoy qui ouvre en 1877 la première école d’ambulancières et de gardes malades, l’Association des Dames Françaises (ADF) est créée en 1879. Elle a pour objet de porter secours aux soldats blessés. Les femmes y tiennent alors un rôle de direction plus affirmé.
C’est pendant la campagne du Maroc en 1907 que pour la première fois, les bénévoles deviennent officiellement infirmières de guerre. L’image rassurante de l’infirmière au chevet du soldat est née.
1914-1918 : 68.000 infirmières de guerre sont mobilisées
Lorsque la France entre en guerre en août 1914, la réputation des infirmières de la Croix-Rouge n’est plus à faire. 68.000 infirmières et auxiliaires sont mobilisées. Elles agissent essentiellement au sein des hôpitaux de l’arrière, mais on les réclame également sur le front, de la Somme à Salonique, dans les hôpitaux et les ambulances chirurgicales les plus avancées.
La reconnaissance est bien là. Certaines tombent aussi, victimes des épidémies contractées auprès des soldats malades et des bombardements. Ces dernières, comme les combattants, auront aussi droit à leurs monuments aux morts, dont le plus connu est érigé à Reims.
Les femmes au premier plan pour la lutte contre les épidémies
Dans les années 1920, « faire sa Croix-Rouge » pour les jeunes femmes est un passage presque obligé. Dès 1919, les fonctions des femmes s’étendent à la direction des dispensaires, à la formation des infirmières, aux visites aux familles, à la lutte contre les épidémies, à la protection maternelle et infantile et au soutien sanitaire à la population. Les hommes, même s’ils conservent leur pouvoir de décision, sont cantonnés à l’arrière. Désormais, se sont les femmes qui incarnent la Croix-Rouge. Elles sont ainsi à l’origine de la création des sections d’IPSA (Infirmières Pilotes Secouristes de l’Air) en 1934, puis, à la fin des années 1930, des conductrices ambulancières.

Marie Marvingt : la fiancée du danger
Championne d’alpinisme, de cyclisme, détentrice du premier record en avion de la coupe Femina en 1910, journaliste, écrivaine et conférencière, Marie Marvingt consacre sa vie au développement des ambulances aériennes. Engagée à la Croix-Rouge en 1914, elle fonde en 1929 la Société des Amis de l’Aviation Sanitaire. En 1939, elle crée un centre d’accueil pour aviateurs blessés. Elle est surnommée La fiancée du danger (pionnière des évacuations sanitaires aériennes, des fameuses Infirmières Parachutistes Secouristes de l’Air) et devient la femme la plus décorée au monde (34 décorations avec entre autres la Croix de guerre en 1918, les Palmes académiques, la médaille de l’aéronautique, la médaille d’Or de l’Académie des sports et la Légion d’Honneur, …). À 80 ans passés, Marie Marvingt obtient son brevet de pilote d’hélicoptère.
Les conductrices ambulancières, véritables héroïnes
Le corps des conductrices ambulancières de la Croix-Rouge française naît vraiment avec la création des Sections Sanitaires Automobiles Féminines (SSAF) le 18 septembre 1939, à la déclaration de la seconde guerre mondiale. Les SSAF sont fondées par Edmée Nicolle et rattachées à la SSBM composée de femmes.
Durant la « drôle de guerre », de septembre 1939 à mai 1940, les conductrices ont pour mission de secourir et transporter les blessés à bord de leurs véhicules et camions équipés. Elles assurent aussi le transport de pharmacie et de sang aux armées sur le front. En mai 1940, une vingtaine de conductrices sont mises à la disposition du Service de Santé des Armées. Une autre équipe est affectée en Syrie pendant que les sections restées en France participent activement à l’évacuation des blessés militaires et de la population civile proche des frontières. En régions, les conductrices travaillent en étroite liaison avec les Conseils Départementaux et Comités locaux qui les abritent. Elles veillent sur des points qui peuvent être névralgiques en cas de bombardement ou de débarquements. En parallèle, les ambulancières participent au ramassage des blessés sur les routes, à la constitution de postes de premiers secours et surtout au ravitaillement des camps de prisonniers sur le territoire. Entre 1942 et 1944, elles effectuent 52.080 missions et parcourent 1.600.000 kilomètres. Dans les colonies, les conductrices forment la Section Automobile Nord-Africaine (SANA), qui appuie les troupes alliées en Afrique du Nord.
En 1945, les ambulancières vont rapatrier les prisonniers de guerre et des camps de concentration.

Simone Deschellerins a été ambulancière à la Croix-Rouge française. En 1954, elle est nommée vice-présidente du Conseil départemental de la Croix-Rouge à Orléans et directrice de la section automobile sanitaire.
Pendant la seconde guerre mondiale, Simone Deschellerins (de son nom d’écrivaine Pascale Olivier) se rend en voiture ambulance, souvent dans des conditions difficiles, dans les camps du Loiret créés par l’armée d’occupation. Elle soigne les prisonniers de guerre originaires des colonies françaises (Sénégalais, Algériens, Malgaches, Indochinois, …) et leur apporte des vêtements. En 1941, ils étaient 6.804 prisonniers répartis dans les différents camps du Loiret. Après la guerre, Simone restera pendant de nombreuses années très active au sein de la section de la Croix-Rouge française d’Orléans.
Extraits des carnets de note de Simone Deschellerins de l’année 1941 :
“Vendredi 23 février. Soir.
Hier au soir, au retour d’Orléans, où j’ai « fait » l’hôpital Saint-Aignan et le Camp, il neigeait à flots et ça glaçait sur le pare- brise. À 22h00 tout était blanc. À 23h00, ça dégelait en plein.”
“Lundi 24 février. Soir.
Aujourd’hui, Montargis. Il fait glacial. Ce matin, après des déluges de pluie froide, il y a eu une tornade de neige, puis de nouveau une pluie de plus en plus glacée. Nous avons déjeuné ici plus tôt, après une matinée de repos, car je me sens encore assez lasse. Avant Montargis, nous avons été porter des vêtements aux prisonniers de Ferrières-en-Gâtinais. Retour à Montargis. Visite au camp. Très bon accueil.”
“Jeudi 27 février. Soir. Pluie, vent. Fatigue. Avec la 202, nous avons fait Beaune, Pithiviers, Neuville-aux-Bois (cadeaux pour les prisonniers travailleurs). Un fusible a sauté. Impossible d’en trouver un avant le Nième garage ! À Beaune, nous frisons la panne radicale ! À Neuville, crevaison. On est rentrées quand même.“
Les femmes de l’après-guerre
Les femmes bénévoles de l’après-guerre sont, de façon croissante et dans leur grande majorité, issues des classes moyennes. Tout comme les hommes d’ailleurs. Mais travaillant de plus en plus, elles s’engagent moins. De plus, les fonctions bénévoles qu’occupaient les femmes avant la guerre sont devenues des professions (infirmières, …) et ce, grâce en grande partie aux formations de la Croix-Rouge.
Les équipes de secouristes sur le terrain sont mixtes. Entre 1975 et 1985, il y a 55 % d’hommes et 45 % de femmes. La jupe sera abandonnée dans les années 1970. Aujourd’hui, les femmes restent majoritaires dans le domaine de l’action sociale.
Les femmes très peu représentées à la présidence nationale
Dès 1940, les femmes prennent les commandes des comités locaux. Elles restent cependant excluent des hautes responsabilités. En 83 ans et sur dix-sept présidents, une seule femme a été élue au niveau national (Georgina Dufoix 1989-1991) et quatre vice-présidentes : Inès Lyautey (1940), Mme Fardel (1989), Caroline Cross et Caroline Cussac. En décembre 2022, Nathalie Smirnov est nommée directrice générale de la Croix-Rouge française.
Les femmes représentent en moyenne entre 20 et 30 % du Conseil d’administration :
-1957 : 34 membres, dont 7 femmes
-1968 : 40 membres, dont 7 femmes
-1993 : 43 membres, dont 10 femmes
– 2011 : 40 membres, dont 8 femmes
– 2021 : 31 membres, dont 9 femmes
La Croix-Rouge aujourd’hui
Aujourd’hui, les 190 sociétés nationales du Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge constituent le plus grand réseau humanitaire au monde. Elles se sont spécialisées dans les secours en cas de catastrophe et dans les programmes de santé et d’assistance sociale. En temps de guerre la Croix-Rouge peut également porter assistance à la population civile et fournir un soutien aux services sanitaires des forces armées.
La Croix-Rouge française, quant à elle, fonde son action sur l’engagement de ses 60.000 bénévoles répartis au sein de plus de 1.050 implantations locales qui couvrent l’ensemble du territoire métropolitain et ultramarin. Elle est aussi une plateforme d’innovation sociale et un acteur de l’économie sociale et solidaire de services à but non lucratif qui repose sur des missions historiques dans les secteurs de la santé, de l’aide sociale et de la formation. À ce titre, la Croix-Rouge française gère 635 établissements et services sanitaires, sociaux et médico-sociaux, ainsi que 12 instituts régionaux de formation sanitaire et sociale. Elle emploie plus de 17 000 salariés qui mettent leur professionnalisme au service de tous et plus particulièrement des plus fragiles.
Chaque année, la Croix-Rouge française organise une grande quête. La prochaine aura lieu du 3 au 11 juin. Pendant cette semaine, les volontaires vont à la rencontre du public pour parler de leurs activités et collecter les dons nécessaires pour faire vivre leurs activités locales.
Henri Dunant a reçu le premier prix Nobel de la paix, en 1901, et le CICR l’a obtenu ensuite à trois reprises (1917, 1944 et 1963).