Lutte contre les discriminations, égalité salariale, violences faites aux femmes, égalité de genre, santé sexuelle, … À huit mois du scrutin européen, le droit des femmes est un enjeu important. C’est ce que la conférence sur le droit des femmes au sein de l’Union Européenne, tenue au Conseil Economique, Social et de l’Environnement le 10 octobre 2023 à Paris, a voulu mettre en exergue. Le constat est alarmant : un recul est en train de s’opérer dans certains pays de l’UE.
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Dans huit mois, les citoyens européens devront voter pour désigner les 720 membres du Parlement européen. Le scrutin en France se déroulera le 9 juin. Des associations et des femmes et hommes politiques se battent pour que la question du droit des femmes au sein de l’Union Européenne s’ancre au cœur des campagnes électorales. Les enjeux pour maintenir ce droit sont considérables, tant il est fragilisé dans certains pays de l’Union.
Des “baby steps” non négligeables, mais noyés dans les reculs
Quand les femmes sont attaquées, c’est la démocratie qui est attaquée
Le principe d’égalité dans l’Union Européenne prend racine dans le Traité de Rome en 1958. L’article 119 affirme l’égalité des salaires entre les femmes et les hommes (” égalité des rémunérations entre les travailleurs masculins et les travailleurs féminins pour le même travail“).
En 1967, la Cour de justice européenne statue pour la première fois sur le fait que l’égalité femme-homme est un principe du droit communautaire.
Avec le Traité de Lisbonne de 2007, l’égalité comme droit est intégré dans la Charte des droits fondamentaux.
Enfin en 1997, le Traité d’Amsterdam intègre les enjeux d’égalité dans les politiques publiques européennes.
Depuis leur création, les politiques européennes ont essayé de faire évoluer le droit des femmes à travers différentes directives pour l’égalité salariale, la sécurité sociale, les luttes contre les discriminations, les violences ou encore pour l’égalité, dans les politiques publiques. Le 30 mars 2023, le Parlement européen a adopté une directive (2023/970) visant à contraindre les employeurs dans l’Union européenne (UE) à la transparence, afin de garantir l’égalité de rémunération entre femmes et hommes, prévoyant des amendes en cas de discrimination salariale. En moyenne dans l’UE, en 2020, les femmes gagnaient 13 % de moins par heure que les hommes pour le même travail. L’écart était de 15,8 % en France, de 18,3 % en Allemagne, et montait jusqu’à 22,3 % en Lettonie. L’avancée est notable, certes. Pour autant, cette directive n’oblige pas les employeurs à réduire à néant les écarts de salaires.
Selon Aline Brüser, conseillère de la confédération européenne des syndicats, “cette directive n’est pas parfaite. Tout est parti du constat de la crise Covid 19 où la société a compris qu’il y avait du travail “essentiel”, fourni majoritairement par des femmes. Et ce travail-là est sous-évalué. Il n’est pas payé à sa juste valeur. On espère que cette directive va permettre de payer ces personnes à un salaire décent et mettre fin à cette sous-évaluation.”
La place des femmes dans l’Union Européenne est importante, parce que les droits des femmes sont un curseur pour la démocratie. Dominique Vérien, sénatrice Centriste.
L’équilibre reste fragile avec la montée du lobbying “anti-genre”
Force est de constater cependant que des blocages persistent, notamment en matière de droits et santé sexuels et reproductifs (DSSR) et d’égalité des genres. Dans certains pays membres, comme la Pologne ou à Malte, l’avortement est interdit. En Hongrie, il s’est nettement complexifié. Ces droits sont de plus en plus fragilisés (cf Giorgia Meloni en Italie), attaqués par les réseaux “anti-genre” de plus en plus organisés.
“C’est un grand paradoxe”, explique Gwendoline Delbos-Corfield, députée européenne Europe Ecologie. “Aujourd’hui en Pologne, il y a des femmes qui décèdent alors qu’elles ont un fœtus mort à l’intérieur d’elles. Elles sont en train de mourrir de septicémie et les docteurs refusent de les opérer. La Hongrie fait écouter aux mères qui veulent avorter le son du fœtus. Et d’un autre côté, pour la première fois, au Parlement européen, nous avons un vote majoritairement progressiste en faveur de l’avortement, qui a longtemps été un tabou.”
“Les députés les plus compliqués aujourd’hui au Parlement européen“, ajoute la députée européenne, “ viennent en grande majorité des partis Vox en Espagne et le Rassemblement National français“.
C’est alarmant et beaucoup de député.e.s pensent que les droits des femmes sont en danger. À l’instar de Sylvie Brunet, députée européenne (Modem), Renew Europe : ” On n’est pas à l’abris de voir émerger des partis qui ne défendent pas ces droits. Donc, nous devons nous battre et avoir une vraie vigilance, parce que je pense que ces droits sont en danger. Notamment en Slovaquie, où émergent des partis populistes, des courants limite extrême droite qui remettent assez souvent en question ces droits. Nous demandons, comme beaucoup de partis européens, que soient inscrits les droits sexuels et reproductifs dans la Charte européenne des droits de l’homme.
La Charte a valeur de Traité et il faut obtenir un vote à l’unanimité pour pouvoir l’inscrire, mais cela peut prendre des années avant de convaincre tout le monde…

Qu’est-ce que les mouvements anti-genre ? Depuis quelques années, l’Europe fait face à une recrudescence de mouvements anti-genre qui accusent l’UE de promouvoir l’homosexualité et récusent le droit à disposer de son corps. Ils s’opposent à l’égalité de genre et aux droits sexuels, et sont contre le mariage pour tous, l’avortement, les technologies de reproduction, l’éducation sexuelle, les législations anti-discriminatoires ou les droits des personnes trans. Le lobbying est très présent dans les instances Européennes et depuis cinq ans, il s’est “professionnalisé” et même transnationalisé. Les activistes ont su, sur le modèle de la droite chrétienne américaine, s’organiser à l’échelle européenne et bénéficient désormais d’un financement important.