Mercredi 19 octobre, les sénateurs ont rejeté un texte visant à inscrire l’accès à l’Interruption Volontaire de Grossesse dans la Constitution. Il est le premier de deux autres propositions qui seront débattues à l’Assemblée nationale en novembre prochain. Pour la porteuse du projet, la sénatrice Mélanie Vogel, rien n’est perdu.
Le texte proposé, déposé le 2 septembre, par la Sénatrice écologiste des Français•es de l’étranger Mélanie Vogel, prévoit l’ajout d’un article 66-2 dans la Constitution française : « Nul ne peut porter atteinte au droit à l’interruption volontaire de grossesse et à la contraception. La loi garantit à toute personne qui en fait la demande l’accès libre et effectif à ces droits. », soit d’inscrire le droit à l’IVG dans la constitution.
Le projet de loi rejeté par le Sénat
Déjà le 13 octobre dernier, après avoir examiné le rapport de Agnès Canayer, sénatrice Les Républicains, la commission des lois n’a pas adopté le texte de la proposition de loi constitutionnelle visant à protéger et à garantir le droit fondamental à l’interruption volontaire de grossesse et à la contraception.
Mercredi 19 octobre, le Sénat (composé à 65% d’hommes, de 62 ans en moyenne et en majorité de droite), a également retoqué la proposition, avec 172 voix contre et 139 voix pour, une différence de 17 voix… Mélanie Vogel ne baisse pour autant pas les bras : ” Il n’y a pas eu de majorité absolue contre la constitutionnalisation“, a estimé la sénatrice dans un tweet. “Le vote n’est pas passé à cause de l’abstention. Cela montre qu’une majorité est à portée de main.“
Mais le débat n’est pas clos. Elle espère désormais obtenir le soutien des députés au mois de novembre. Le garde des Sceaux, Eric Dupond-Moretti a déclaré qu’inscrire dans la Constitution le droit à l’IVG « aurait la force du symbole » et a assuré que « le gouvernement répondra présent pour soutenir chacune des initiatives parlementaires nombreuses en la matière ».
Le droit à l’avortement serait-il menacé dans les pays occidentaux ?
Dans son rapport Agnès Canayer explique ne pas trouver nécessaire d’inscrire le droit à l’avortement dans la Constitution, arguant qu’« aujourd’hui ces droits sont pleinement protégés par le droit positif » et qu’il n’y a « pas lieu d’importer en France un débat lié à la culture américaine ». Celle-ci fait référence à l’annulation en juin dernier par la Cour suprême des Etats-Unis de la jurisprudence Roe vs Wade de 1973, qui protégeait le droit des Américaines d’avorter dans tout le pays. La preuve qu’un revirement est possible… Plus près encore en Italie, avec l’arrivée au pouvoir de Giorgia Meloni, le droit à l’avortement, déjà difficile d’accès, pourrait fortement être remis en cause par le parti ultraconservateur.
Deux autres textes seront débattus en novembre à l’Assemblée nationale
La bataille n’est pour autant pas terminée. Outre celui porté par Mélanie Vogel, deux textes supplémentaires sur le même thème seront présentés à l’Assemblée nationale : le texte du parti Renaissance (majorité présidentielle), attendu en commission des lois le 9 novembre et la semaine du 28 novembre à l’Assemblée nationale, et le texte de la Nouvelle Union populaire écologique et sociale (Nupes) qui sera débattu en séance publique le 24 novembre.
Le texte du parti Renaissance contient la phrase : « Nul ne peut être privé du droit à l’interruption volontaire de grossesse. »
Celui de la Nupes est quasiment identique à celui de Mélanie Vogel.
Une révision de la Constitution est-elle possible
Pour réviser la Constitution, une proposition de loi constitutionnelle doit être validée par l’Assemblée nationale et le Sénat, puis approuvée par référendum pour être adoptée définitivement. Le gouvernement a également la possibilité d’initier un projet de loi. Dans ce cas, le président de la République peut soumettre le texte aux deux chambres parlementaires convoquées en Congrès, sans passer par la case référendum.
Que dit la loi Veil sur le droit à l’IVG
Le droit à l’IVG a été légalisé en 1975 par la loi Veil. Elle dépénalise l’avortement en France et autorise l’avortement dans un délai de dix semaines après simple demande à un médecin. Il est inscrit dans le code de la santé publique cette phrase : « La femme enceinte qui ne veut pas poursuivre une grossesse peut demander à un médecin ou à une sage-femme l’interruption de sa grossesse. ». Si simple et pourtant si fragile, un seul amendement à cette loi pourrait remettre en cause ce droit fondamental pour bon nombre de femmes. S’il est inscrit dans la Constitution, il serait beaucoup plus compliqué de supprimer le droit à l’avortement.